Figure d’ancêtre mbulu-ngulu, gardien de reliquaire Kota-Ndassa Gabon

lot n°1 Objets d'art et Antiquités

Figure d’ancêtre mbulu-ngulu, gardien de reliquaire Kota-Ndassa Gabon, République du Congo Bois dur, cuivre, laiton, fer, métal H. 69 cm Epoque : Fin XIXe-début XXe siècle Provenance : - Collectée in situ entre 1896 et 1928 par l’administrateur des colonies Amédée Lefilliatre - Transmise par descendance familiale PDF : http://www.transfernow.net/f24ad1u7sb8c La découverte, aujourd'hui, de cette importante figure de reliquaire offre au corpus restreint des oeuvres Kota Ndassa, situé à l’est du Gabon et au nord-ouest de la République du Congo, une contribution remarquable. Destinée à surmonter un panier reliquaire fait d’écorce, ou usuwu, conservant les ossements de défunts illustres du lignage, cette effigie mbulu ngulu symbolise, autant qu’elle honore, le souvenir des ancêtres. Sa présence, indispensable à la communauté, en assure parallèlement la préservation. La qualité réfléchissante des matériaux repoussaient symboliquement les esprits néfastes, tandis qu’une autre projection s’opérait : celle de la richesse nécessaire à l’obtention de ces précieux ornements métalliques, valorisant d’un immense prestige le chef de la communauté, et lui conférant son rang. Parmi les œuvres réunies sous le terme générique Kota, regroupant de nombreuses identités culturelles, les rares figures de reliquaires Ndassa sont probablement parmi les plus virtuoses. Comme pour les treize pièces d’un style très homogène qui ont permis à Alain et Françoise Chaffin d’identifier le singularisme de ces œuvres collectées tant au Gabon qu’au Congo voisin, cette figure de reliquaire est à intégrer au groupe 16* de leur classification. Se distinguent en effet les hautes proportions, des traits naturalistes contrastant avec la stylisation généralement associée aux productions Kota, alliés à une grande richesse ornementale faisant contraster l’éclat et la couleur de différents métaux, au travers de techniques variées. L’âme de bois dur monoxyle est sculptée en lignes élégantes, des plaques de cuivre et de laiton travaillées au repoussé, ou - alliés au fer - ces mêmes métaux façonnés en fines bandes, venant couvrir en un décor majestueux l’ensemble du visage. L’objet est destiné à être vu de face, dans la pénombre, le décor métallique étant régulièrement lustré au sable pour en aviver l’éclat, notamment avant chaque fête importante. (In. Les forêts natales, page 123) Le front convexe en forme de pain de sucre est recouvert de laiton, et occupe la moitié de la composition. Un bandeau horizontal caractéristique du style, ici en cuivre, le traverse, des bandes ornementales parant verticalement le sommet du crâne. Le triple arc sourcilier réalisé en trois métaux distincts (laiton, fer et cuivre) dessine la partie haute d’un cœur. Le nez naturaliste est marqué d’ailes soignées, les yeux en forme d’amandes étirées sont fixés par de petites pointes de métal servant au dessin d’une pupille. La bouche, probablement circulaire à l’origine (comme celle de l’exemplaire de l’ancienne collection Vérité, vente Sotheby’s 21 novembre 2017, lot 93), a été restituée in situ, par une pièce de monnaie en argent. Identitaire de ce groupe, de longues scarifications en triple bande de fer et de laiton courent sur les joues plaquées de cuivre, et semblent perler du regard, renforçant encore la profonde vigueur émanant de ce visage gardien. Comme sur le célèbre reliquaire de la collection Edwin et Cherie Silver (Chaffin, pièce 102, page 201), les pendants latéraux évoquent la forme de queues de canard, et sont dédoublés d’un motif incisé à l’image d’un travail de lamelles. Cette sorte d’auréole à motif rayonnant accentue l’acuité du regard et la gravité du visage (In. Art Ancestral du Gabon, page 192, fig. 12, inv. 1019-4-H, à propos d’un reliquaire mbulu-viti janus du même groupe appartenant aux collections Barbier-Mueller). Le cimier transverse en forme de croissant est particulièrement grand, son contour est bordé, comme les pendants, d’une double gorge incisée. Sous le cou, également plaqué de métal, le losange, évocation à la fois d’un buste tronqué et de bras, est soigné, et orné de bandes de métal incisées de motifs de chevrons. Les parties basses du jambage n’ayant pas vocation à être vues, puisque dissimulées à l’intérieur du panier reliquaire, ont été laissées nues. Le revers, traditionnellement sans placage, est sculpté en bas-relief d’un losange étiré. Accident et manque au dos, sur la partie haute du croissant. Lointains cousins des Kota du Nord, des Mahongwe et des Shamaye, les populations Ndassa ont quitté il y a plusieurs siècles de cela le sud du Cameroun pour rejoindre les régions septentrionales de l’actuel République du Congo, traversant du nord au sud tout l’est du Gabon. Certaines communautés sont parallèlement restées dans la région du Haut Ogooué, au Gabon. Louis Perrois, dans sa contribution au catalogue d’exposition Kota (Galerie Ratton-Hourdé, juin 2003, pages 8 et 9) note que toutes les variantes « kota », du nord au sud, ont un air de parenté du fait de l’utilisation particulière du métal - cuivre rouge ou jaune, laiton - recouvrant la presque totalité des effigies (…). Les autres peuples se sont servis du métal - fer ou cuivre - de façon beaucoup plus parcimonieuse, en élément annexe de décor, notamment pour figurer les scarifications faciales (Tsogho, Fang du Sud-Cameroun-Ngoumba). Peut-être faut-il penser que les « Kota » ont eu, depuis longtemps, un approvisionnement important en cuivre à partir des mines traditionnelles de la vallée du Niari, leur permettant cette débauche décorative ? En tout cas, les traditions mentionnent un commerce très ancien du métal, relayé ensuite par l’acheminement depuis la côte du métal européen (la fréquentation occidentale des côtes du Gabon, du Cap Lopez à Loango remonte au XVIe siècle). Supports de mémoire et outils de mobilisation des forces occultes des Gabonais et Congolais d’antan, les figures de reliquaire « kota » (…) sont peu à peu devenus les emblèmes immémoriaux de la culture et des valeurs ancestrales des peuples de la grande forêt équatoriale africaine. (Louis Perrois, 2012, page 80). L’exemplaire que nous présentons ici illustre avec noblesse le caractère onirique et la sophistication du grand art Kota, sa redécouverte récente éclairant d’un jour nouveau la spécificité Ndassa. Amédée Lefilliatre, administrateur en chef de première classe, acheva sa carrière africaine en tant qu’inspecteur des cercles du Nord en AOF et directeur du service automobile. Il sera décoré en 1920 de la Croix de la Légion d’Honneur. VENTE : Vendredi 27 Avril à 14h30 EXPOSITIONS : Visible à Paris dans les locaux de la société Munigarde du 9 au 20 avril après prise de RDV auprès de l'expert et à l'Etude, le jeudi 26 Avril de 14h à 18h et le matin de la vente de 10h à 12h EXPERT : Emmanuelle Menuet - Membre du SFEP - 06 70 89 54 87 / emenuet.expertises@gmail.com Bibliographie : Ancêtres Kota, Galerie Bernard Dulon, Paris/New York, textes de Louis Perrois, 2011 Arman et l’art africain, Musée de Marseille - réunion des musées nationaux, 1996, page 111, fig. 60 Kota, textes de Louis Perrois et Daniel Hourdé, Galerie Ratton-Hourdé, Paris, Juin 2003 Les forêts natales - Arts d’Afrique équatoriale atlantique, Musée du Quai Branly Jacques Chirac, Editions Acte Sud, 2017, pages 295 à 297 pour des exemplaires apparentés Alain et Françoise Chaffin, L’art Kota - Les figures de reliquaire, Editions Alain et Françoise Chaffin, Meudon, 1979 Alisa LaGamma, Eternal Ancestors - The Art of the Central African Reliquary, Alisa LaGamma, The Metropolitan Museum of Art, Yale University Press, New York, 2007, page 261 à 265 Louis Perrois, Art Ancestral du Gabon - dans les collections du Musée Barbier-Mueller, Editions Musée Barbier-Mueller, Genève, 1985 Louis Perrois, Arts du Gabon - Les Arts Plastiques du Bassin de l’Ogooué, Editions Arts d’Afrique Noire, Arnouville, 1979, fig. 185, 194 notamment. Louis Perrois, Kota - visions d’Afrique, Editions 5 Continents, Milan, 2012

Adjugé : 197 600 €


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