Présentée aux enchères par Primardeco cette gourde « bian Hoa » en porcelaine et émaux de la famille rose a été fabriquée en Chine au XVIIIe siècle. Issue de la collection des Frères Goncourt, il s’agit d’une pièce exceptionnelle sur bien des aspects…
EXCEPTIONNELLE GOURDE « bian hoa »
Cette gourde « bian Hoa » en porcelaine et émaux de la famille rose est ornée d’un double décor d’une très haute qualité.
Sur l’une des faces, la gourde est finement décorée d’un lettré assis sur un banc près d’une sellette contenant rouleaux et manuscrits. Il s’agit d’une allégorie du savoir.
L’autre face est ornée de fleurs, de chrysanthèmes et de papillons. Cette pièce somptueuse se démarque par ses décors classiques pour la période, mais finement exécutés et par son parfait équilibre.
Elle est agrémentée de bronze européen de style rocaille.
Elle fait probablement partie des grandes productions du règne de Yong Zheng (1723-1736) de la dynastie Qianlong qui est traditionnellement considéré comme l’âge d’or des pièces en porcelaine et émaux de la famille rose. Très friand de céramique, Yong Zheng nomme à la tête de la manufacture impériale de Jingdezhen l’un des plus grands artiste, dramaturge et céramiste de son temps : Tang Ying. Majoritairement destinées au marché intérieur, ces pièces sont extrêmement difficiles à dater.
La porcelaine et emaux de la famille rose
La porcelaine chinoise peut être classée en plusieurs grandes familles, dont celle des « roses ». Chaque porcelaine est ainsi rattachée à une famille en fonction de l’émail dominant (famille rose, famille verte, etc). Cette classification de la porcelaine chinoise à décor d’émaux par famille est le fruit du travail des collectionneurs occidentaux du XIXe siècle.
La porcelaine de la famille rose est appelée de la sorte en raison de ses décors polychromes dont les tons sont à dominante rose. Grâce à l’ouverture de la Route des Indes, les échanges entre Extrême-Orient et Europe s’intensifient. De nombreux objets sont rapportés, dont des porcelaines chinoises aussi appelées « Porcelaine de la Compagnie des Indes ».
Au grès de ces échanges, et face à une demande européenne croissante et exigeante, les grandes manufactures chinoises adaptent leur production au goût des élites occidentales. Les formes et les décors, traditionnellement issus de l’iconographie chinoise, laissent leur place à une iconographie plus européenne inspirée des gravures et des motifs décoratifs en vogue de l’époque. Pour séduire cette nouvelle clientèle occidentale, les potiers chinois regorgent d’imagination. Les modèles chinois les plus populaires seront d’ailleurs imités par les manufactures européennes.
La porcelaine Rose voit le jour vers 1720, sous la dynastie Qing et les règnes des empereurs Kangxi et Qianlong sont traditionnellement considérés comme l’âge d’or des pièces en porcelaine et émaux de la famille rose.
Origine de la porcelaine Rose
En 1650, le chimiste hollandais Andréas Cassius découvre la formule chimique permettant la fabrication des émaux roses. C’est d’ailleurs pour cette raison que les décors de la famille rose peuvent également être appelés « pourpre de Cassius ». Cette technique fut ensuite importée vers 1719 en Chine par les Jésuites présents à la cour du pays.
Comment est fabriquée la porcelaine rose ?
La fabrication de ce type de porcelaine relève d’une véritable prouesse technique puisqu’elle requiert plusieurs cuissons. La première cuisson permet de fixer la couverte tandis que la seconde fixe le décor.
Les pièces en porcelaine et émaux de la famille rose sont principalement ornées de décors végétaux polychromes composés de compositions florales et de fleurs en tout genre. Le décor des porcelaines est souvent réalisé à partir de trois émaux : l’émail rose, l’émail blanc et l’émail jaune opaque. Vases, bouteilles, pots, boîtes, jarres… tous types d’objets ont été fabriqués selon cette technique.
Importées massivement en Europe, il n’est pas rare de trouver des porcelaines de la famille rose lors des ventes aux enchères d’Arts de la Chine. Pour autant, toutes les pièces ne se valent pas et la provenance est un critère déterminant pour l’estimation de leur valeur.
Les Frères Goncourt
Cette gourde « bian Hoa » a la particularité d’avoir appartenue aux Frères Goncourt puis présentée en ventes publiques à la fin du XIXème siècle lors de la dispersion de cette collection grandiose.
Les Frères Goncourt, Edmond (1822-1896) et Jules de Goncourt (1830-1870), sont deux écrivains, romanciers, historiens et collectionneurs français du XIXe siècle. Leur oeuvre la plus connue est probablement Le Journal dans lequel ils dépeignent sur un ton légèrement satyrique les contemporains de leur temps.
Les Frères Goncourt furent parmi les premiers à collectionner l’art japonais, et ce, dès leur plus jeune âge. En effet, ils entament leur collection dès 1838 alors qu’ils ne sont qu’adolescents. Centrée, à leur début, sur les arts décoratifs du XVIIIe siècle, progressivement et influencé par les grands collectionneurs de leur temps comme Cernuschi, Camondo et les marchands Samuel Bing et Philippe Sichel, ils étendent leur collection aux arts asiatiques (porcelaine chinoise, estampes japonaise, etc).
Les ventes aux enchères de la collection Goncourt
« Ma volonté est que mes dessins, mes estampes, mes bibelots, mes livres, enfin les choses d’art qui ont fait le bonheur de ma vie, n’aient pas la froide tombe d’un musée, et le regard bête du passant indifférent, et je demande qu’elles soient toutes éparpillées sous les coups de marteau du commissaire-priseur et que la jouissance que m’a procuré l’acquisition de chacune d’elles, soit redonnée, pour chacune d’elles, à un héritier de mes goûts ».
Edmond Goncourt
Vendue après la mort d’Edmond en 1896, 8 ventes aux enchères seront organisées du 15 février au 19 juin 1897 pour disperser cette merveilleuse collection. Les fonds de la vente avaient pour objectif de financer l’Académie Goncourt dont l’objectif était de concurrencer la prestigieuse Académie française en apportant son soutien à de jeunes talents inconnus.
Organisée du 8 au 13 mars 1897 la 3ème vente Goncourt consacrée à l’Extrême-Orient présente 1637 lots dont cette exceptionnelle gourde « bian Hoa ». Elle apparaît d’ailleurs dans un article de la gazette publié le 20 février 1987 qui revient sur la troisième vente aux enchères de la collection Goncourt à Drouot en 1897.
Témoin de l’une des plus grandes productions de porcelaines chinoise, d’une provenance rare, cette pièce a tout pour plaire !