Un exceptionnel témoignage de l’art Kanak

par | Sep 20, 2022 | Objets d'art & antiquités

Vendredi prochain, Primardeco présentera aux enchères une applique Kanak exceptionnelle. Retour sur l’histoire d’un objet inédit grâce aux précieux éclairages d’Emmanuelle Menuet, expert en Arts Primitifs (Afrique – Amérique – Océanie, Bijoux ethnographiques). 

Quelques généralités sur l’art Kanak… 

 

L’ « art Kanak » désigne tout ce qui appartient à la culture matérielle et artistique Kanak, traditionnelle ou contemporaine. Les principales oeuvres d’art Kanak sont des sculptures, des masques, des colliers, mais aussi des armes et des peintures. Si les productions artistiques peuvent varier d’une île à une autre, quelques généralités peuvent être relevées comme la portée symbolique des oeuvres et l’omniprésence de la représentation de la figure de l’ancêtre. 

Ces deux massues vendues aux enchères vendredi prochain, caractéristiques des armes Kanak anciennes, témoignent de la diversité et de la qualité de l’art Kanak. 

Une oeuvre représentative de la sculpture Kanak

Complexe et diverse, la sculpture occupe une place de choix dans l’art Kanak. Fréquemment réduite au travail du bois, les artistes Kanak s’essayent tout autant à la sculpture en terre ou sur pierre. 

Sculpture kanak ©WikimediaCommons

La sculpture Kanak traditionnelle se déploie majoritairement dans ce que l’on appelle la Grande case ou la case du chef. Lieu de pouvoir et de discussion pour la tribu, elle est très souvent ornée de sculptures diverses à l’esthétique très puissante.

Chez les Kanak le symbole du pouvoir est tout entier concentré dans la maison donnée au chef par les aînés des familles du pays. Cette « Grande Case » est dans son architecture même la représentation de la société organisée autour du chef, intercesseur entre les vivants et les esprits des ancêtres. Les sculptures qui en ornent la porte sont l’évocation du regard de ces ancêtres sur le pays qui légitiment le pouvoir des vivants. 

(In. Carnets Kanak – Voyage en inventaire de Roger Boulay, page. 28)

Grande case Kanak

Cette oeuvre, présentée aux enchères vendredi prochain, est un rare témoignage de ces appliques, d’une grande portée symbolique dans la culture vernaculaire, qui ornaient de part et d’autre la porte des maisons cérémonielles Kanak.

De la collecte à la collection : les débuts de l’art Kanak

 

Lorsque les premiers explorateurs parmi lesquels Cook et d’Entrecasteaux embarquent sur leur navire, ils sont accompagnés de nombreux peintres, naturalistes et observateurs qui découvrent pour la première fois les coutumes locales. De ces explorations, sont rapportés des objets collectés sur place ainsi que de nombreux croquis et illustrations provoquant l’émerveillement de tout l’Occident. Cette photographie, prise en 1910-11 par le naturaliste Fritz Sarasin, est en ce sens très révélatrice et donne à voir les spécificités de l’architecture Kanak. 

Fritz Sarasin - Grande case

À partir de 1893, missionnaires, officiers de marines, médecins ramènent des souvenirs de leurs expéditions ou de leur séjour en Nouvelle Calédonie. C’est ainsi qu’une multitude d’oeuvres d’art Kanak atterrissent sur le territoire européen.

S’il fut pendant longtemps inconnu du grand public, l’exposition Kanak. L’art est une parole (musée du quai Branly d’octobre 2013 à janvier 2014) a considérablement contribué à la mise en lumière de cet art époustouflant. En réunissant les plus grands chefs d’oeuvres de l’art Kanak issus des musées européens, cette exposition a su rendre ses lettres de noblesse à un art bien trop souvent méconnu. En parallèle, grâce à un inventaire précis des collections muséales internationales, Roger Boulay – figure majeure de la recherche sur l’art Kanak, est parvenu à montrer la complexité de cet art, et la richesse de la culture Kanak.

Un joyau de la sculpture Kanak

Présentée pour la première fois aux enchères, cette applique de porte kanak jöpwö en bois dur à patine brune foncée, est un véritable joyau de la sculpture Kanak. Evocation puissante de la figure de l’ancêtre au sein de la culture Kanak, cette oeuvre témoigne aussi de la vigueur de ses canons esthétiques. 

Sous un front où se devine le lien en courts chevrons de la cordelette d’une fronde, le regard s’inscrit sous une arcade sourcilière marquée. Le nez, puissant, contraste avec la double échancrure de la bouche, esquissée. Le percement au sommet permettait, à l’aide de lianes, de raccorder l’applique à la panne sablière et aux poteaux de tour de l’architecture.

Applique de porte de case Kanak ©Primardeco
Applique de porte de case Kanak ©Primardeco

Les deux tiers inférieurs, ornés en bas-relief d’une succession d’entrecroisements savants, évoquent les ligatures retenant l’ancêtre défunt, enveloppé dans un linceul végétal. Cet enchevêtrement de quatre liens réunis par brins, est remarquable dans sa sculpture, comme dans le réalisme de son dessin. Il s’agit ici d’une représentation d’une pratique mortuaire décrite par la littérature de la fin du XIXe siècle : Les hommes se rangent en cercle et se font passer de main en main le mort empaqueté dans des nattes (Docteur Vincent, 1895, In. Kanak – L’art est une parole, page 272). Ne dépasse alors de ce linceul végétal, comme ici, que la tête de l’ancêtre dont la présence est commémorée.

La base de l’oeuvre, érodée et sans décor, était plantée dans le sol, parfois jusqu’à vingt centimètres de profondeur.

Cet exemplaire appartient sans aucun doute au corpus des appliques Kanak anciennes. Pour autant, un détail surprend : sa convexité, probablement due à un phénomène naturel. En effet, les attaques cycloniques notamment, fragilisaient les grands arbres, et favorisaient l’évidement de leur cœur. Une fois à terre, ces pièces de bois incurvées étaient prélevées et travaillées, le volume arrondi était alors volontairement préservé. Ce n’est qu’à partir de l’arrivée en Nouvelle Calédonie d’outils occidentaux que des appliques rectilignes seront réalisées. 

En-dehors des armes et des massues, les oeuvres d’art kanak sont très rares en ventes aux enchères. Conservée dans la même collection privée depuis plus d’un siècle, cette œuvre-mémorial, destinée à garder toute proche la protection de l’ancêtre, est un précieux témoignage de la culture Kanak, venu aujourd’hui jusqu’à nous. Nul doute que sa présentation aux enchères vendredi prochain suscitera l’intérêt des collectionneurs. 

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