Les peintures sur ardoises sont très rares dans les ventes aux enchères de tableaux anciens. Extrêmement fragiles, nombre d’entre elles n’ont malheureusement pas survécu dans le temps. La Sainte Famille et saint Jean, chef d’œuvre de l’un des plus grands artistes français du XVIIe siècle, est un très beau témoignage d’une technique ancienne et originale : la peinture sur pierre.
Ses débuts en Italie
1. Florence
Fils de peintre, Jacques Stella a seulement vingt ans lorsqu’il se rend en Italie. De 1617 à 1621, il séjourne à Florence et travaille pour la famille Médicis.
C’est probablement à ce moment là qu’il découvre la peinture sur pierre : marbre, lapis lazuli, onyx ou ardoise sont alors les supports de prédilection. En lien avec la création à Florence par Ferdinand Ier de Médicis en 1588 de l’Opificio delle Pietre Dur, la famille Médicis encourage largement les artistes à utiliser cette technique et multiplie les commandes.
La peinture sur ardoise relève d’une véritable tradition italienne issue de l’art antique et remise au goût du jour par des artistes de la Renaissance dont le célèbre Sebastiano Del Piomno.
Jacques Stella est très vite initié à cet art si particulier. Mettant indéniablement en valeur la lumière et les couleurs vives, la peinture sur ardoise retient particulièrement son attention mais ne représentera qu’une toute petite partie de sa production.
2. Rome
Jacques Stella réalise probablement La Sainte Famille et Saint Jean au début de sa carrière lors de son séjour à Rome entre 1622 et 1634. A Rome, il travaille pour le pape Urbain VIII et sa famille les Barberini, se lie d’amitié avec Nicolas Poussin et côtoie les grands maitres de son temps comme Simon Vouet.
Rome et Venise sont après Florence les deux autres foyers importants de la peinture sur pierre en Italie au XVIIème siècle et Jacques Stella approfondit probablement ses connaissances sur cette technique lors de ce séjour romain.
Retour en France et le début de la gloire
Jacques Stella reste à Rome jusqu’en 1634 avant de rentrer en France où il poursuit sa pratique de peinture sur pierre et parvient à se faire remarquer par les grands de son temps. Richelieu enrichit par exemple sa collection de nombreux petits exemplaires de peintures sur pierres réalisés par Jacques Stella.
Jacques Stella, Maître de l’ardoise
Connu pour ses retables monumentaux, Jacques Stella s’essaye à de nombreuses reprises à la peinture sur ardoise privilégiant les scènes religieuses destinées aux collectionneurs italiens et français friands de ces petits objets de dévotion.
La pratique de la peinture sur pierre que ce soit sur ardoise, marbre, lapis lazuli ou onyx fonde l’originalité de cet immense artiste du Grand Siècle et contribue indéniablement à son succès à la cour.
Grâce à une maîtrise parfaite de cette technique, il joue avec les contrastes entre un fond foncé de l’ardoise et une lumière et des couleurs très vives. Il parvient ainsi à créer des scènes délicates et d’une très grande finesse comme en témoigne cette oeuvre vendue aux enchères.
Le support, l’iconographie, les dimensions, mais aussi les coloris permettent de rapprocher cette oeuvre d’une autre peinture de Jacques Stella : La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste enfant et un ange, datée de 1633 et aujourd’hui conservée au musée Fabre à Montpellier (ardoise, 53 x 37 cm).
Dans la Sainte Famille et saint Jean vendue aux enchères par Primardeco, l’artiste représente une scène intimiste mais sacrée de l’enfant Jésus entouré de ses parents et de son cousin posant sur l’agneau la couronne de Fleurs. L’iconographie de l’Enfant couronnant l’Agneau de fleurs pourrait être une préfiguration de la Passion et du couronnement d’épines.
Au cours de sa carrière, Jacques Stella réalise de nombreuses Saintes Familles au point d’en maîtriser parfaitement tous les codes.
Par son support, son iconographie et ses dimensions, cette oeuvre vendue aux enchères peut aussi être rapprochée de La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste du musée des Beaux-Arts de Montréal (ardoise, 30 x 23 cm).
Une provenance claire
De la collection Richelieu à une famille du Sud-Ouest de la France en passant par le peintre, collectionneur et marchand d’art Jean Baptiste Pierre Le Brun puis par Jean Le Vacher de Charnois, journaliste, mort lors de la Grande Terreur, cette oeuvre a fait l’objet d’un soin particulier de la part de tous ses propriétaires ce qui explique son parfait état de conservation et sa présence sur le marché de l’art. En effet, l’ardoise étant un support extrêmement fragile peu d’oeuvres dans ce genre nous sont parvenues.
Un artiste à la postérité tardive
Si Jacques Stella rencontre un vif succès de son vivant, il est très vite oublié et éclipsé par d’autres grands peintres du XVIIème siècle français comme Nicolas Poussin.
Longtemps peu considéré par les historiens de l’art, l’exposition présentée au musée des Beaux-arts de Lyon et au musée des Augustins à Toulouse à l’occasion des 350 ans de sa mort en 2007 a permis de faire connaître ce peintre au grand public.
Cette oeuvre de Jacques Stella, rare et unique, démontre toute l’originalité et le talent de ce grand maître de l’art français du XVIIème siècle. C’est également un témoignage exceptionnel d’une technique délicate.
Seul artiste français du XVIIème siècle à avoir pratiqué la peinture sur pierre, Jacques Stella a actuellement la reconnaissance qu’il mérite et ses oeuvres ont beaucoup de valeur sur le marché de l’art comme en témoigne la Sainte Famille et saint Jean adjugée 49 600€ chez Primardeco.
