Adjugée 4 600€, cette montre écusson – No. 15198, datée de la fin du XVIIIe siècle et signée FRERES VEIGNEUR (Genève), a fait sensation. Retour sur l’histoire de cette montre de fantaisie exceptionnelle en or et émail.
Cet article a été rédigé d’après les recherches effectuées par notre expert Geoffroy Ader à qui nous adressons nos remerciements et notre reconnaissance.
Une montre de fantaisie
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette montre fait partie de la catégorie des montres de fantaisie qui apparaissent à Genève à la fin du XVIIIe siècle. Elles se démarquent par leur originalité et leur préciosité. En forme de fruits (pomme ou poire) ou d’instruments de musique (bien souvent la mandoline), et décorées d’émail, ces montres sont des objets raffinés et luxueux.
Genève, coeur de l’horlogerie suisse ?
L’industrie horlogère se développe à Genève à partir du milieu du XVIe siècle, à l’heure où la ville accueille des protestants venus de toute l’Europe. Alors que le protestantisme prône une grande austérité, les orfèvres de la ville ont l’idée d’orner les montres de pierres précieuses et en font de véritables objets de luxe. L’horlogerie de luxe commence son ascension et encore aujourd’hui, Genève est considérée comme la plus importante cité horlogère de la planète. Elle accueille d’ailleurs le Patek Philippe Museum qui réunit, dans ses collections, les plus grands chefs d’oeuvre de l’horlogerie de luxe réalisés entre le XVIe et le XIXe siècle.
Genève et l’émaillage
Depuis le XVIIe siècle, Genève s’est transformé en un grand centre de l’émail. Connue depuis l’Antiquité, la technique de l’émaillage consiste à appliquer sur une surface métallique (majoritairement en cuivre pour les cadrans de montre) une poudre de verre coloré. Un liant (huile ou eau) est utilisé pour faciliter l’application des pigments. L’objet est ensuite placé dans un four, sous une très forte chaleur, afin d’obtenir cette fameuse surface vitrifiée, dure et brillante propre à l’émail.
Cette technique minutieuse nécessite une très grande maîtrise et transforme les simples montres en de véritables objets luxueux qui témoignent du génie des maîtres horlogers de cette époque.
Réputées dans le monde entier, une partie de ces montres écussons en émail produite au XVIIIe siècle à Genève est dédiée à l’exportation. Les modèles, principalement destinés au marché asiatique, se révélaient alors très précieux.
Une montre signée
Les horlogers n’avaient pas spécialement pour habitude de signer leurs oeuvres à l’exception, nous indique Geoffroy Ader, « des horlogers spécialisés dans ce type de montre-objet ». Cette signature, rare, des « Frères Veigneur Ceret, Genève » donne encore plus de valeur à ce modèle. Les frères Veigneur, Isaac et Jean-Marc, sont actifs à Genève entre 1770 et 1798. « Horlogers connus pour leur production pour le marché chinois, ils sont répertoriés dans l’ouvrage de référence sur le sujet, La Montre Chinoise par Alfred Chapuis » (Geoffroy Ader).
Cette montre écusson vendue aux enchères dans notre salle des ventes est un très bel exemple des montres de fantaisie qui deviennent particulièrement à la mode au XVIIIe siècle à tel point qu’elles sont considérées, selon notre expert, comme « le souvenir préféré que l’on pouvait à l’époque rapporté de la cité de Calvin ».