En 1937, à l’occasion de son centenaire, la maison Hermès lance le célèbre « Carré ». Retour sur l’histoire de cet accessoire de mode mythique, intemporel et transgénérationnel.
Une invention mythique
Fondée en 1837 par Thierry Hermès (1801-1878), la maison Hermès est d’abord une manufacture de sellerie et de harnais.
Dans les années 1900, et avec l’avènement de la voiture automobile, la nécessité de diversifier la production se fait sentir. Dans ce contexte et à l’occasion du centenaire de l’entreprise en 1937, Robert Dumas, alors directeur, invente le célèbre Carré. Renouant avec une vieille tradition issue des mouchoirs à la gloire de Napoléon et des mouchoirs militaires, il révolutionne le foulard et l’érige en un véritable accessoire de mode.
Du mouchoir militaire à l’iconique Carré
Le Carré est directement inspiré des mouchoirs militaires ou « mouchoirs d’instruction ». Alors que la Guerre éclate en 1914, de nombreux soldats sont encore analphabètes. Pour pallier à cette difficulté et transmettre correctement les instructions militaires, l’armée française a recours aux illustrations. C’est ainsi que les dessins militaires apparaissent sur les mouchoirs de cou. Portés par les soldats de la première guerre mondiale, ces mouchoirs d’instructions ne sont pas sans rappeler les mouchoirs à la gloire de Napoléon.

Le premier Carré de l’histoire de la maison Hermès a été conçu par Robert Dumas : Le jeu des Omnibus et des Dames Blanches. Directement inspiré des transports en commun parisien et d’un jeu particulièrement populaire à l’époque, le jeu de l’Oie, ce premier foulard pose les bases fondamentales du Carré Hermès. En effet, si les illustrations peuvent varier, certains éléments sont immuables : les dimensions (90×90), la matière (soie), les couleurs vives, la nécessité de raconter une histoire et une légère pointe d’humour. Robert Dumas en inscrivant cette petite phrase sur son carré « un bon joueur ne se fâche jamais » fera de cette touche d’humour subtile et délicate une marque de fabrique des foulards de la maison Hermès.

Un succès immédiat
Le succès du Carré est immédiat et dès 1937, près de 25 000 foulards sont achetés. Pourtant, vendu 75 francs en 1937, le foulard était d’abord considéré par la maison comme un achat secondaire. L’idée était en effet d’inciter les clients fortunés à orner leur sac ou leur valise Hermès de ce foulard inédit. Mais très vite, le succès du foulard est tel qu’il devient un accessoire de mode à part entière : désormais, on se rend chez Hermès avec pour unique objectif d’acheter un foulard. Plus accessible, il permet à l’entreprise d’accroître sa clientèle.

Une notoriété universelle
Dans les années 60, et grâce à plusieurs personnalités, le carré Hermès devient iconique. En 1956, Grace Kelly utilise le Carré Hermès pour soutenir son bras cassé. Quelques années plus tard, en 1960, la photographie de Brigitte Bardot et son carré Hermès noué autour du cou déchaîne les passions. A de très nombreuses reprises, la Reine Elisabeth revêtira un foulard de la maison…
Ses dimensions (90×90) permettent de le porter d’une multitude de manières : de la plus chic à la plus décontractée. Noué sous le menton, sur la tête en turban, à la ceinture, au poignet… et même en top, le Carré Hermès s’adapte à toutes les modes et toutes les générations.

Ses proportions généreuses (90×90 cm), sa matière luxueuse (soie), ses dessins aux couleurs vives d’une grande qualité sont à l’origine de ce succès planétaire faisant dire à certains qu’il se vendrait un carré Hermès toutes les 30 minutes.
Des dessins exceptionnels
Symbole de l’élégance à la française, les carrés Hermès évoluent au gré des tendances. Réputés pour leurs illustrations exceptionnelles aux détails variés et à la palette de couleur étendue, les foulards Hermès se transmettent de génération en génération sans jamais se démoder.
Depuis leur création, en 1937, ce ne sont pas moins de 2 000 dessins qui ont été créés pour les carrés. Du monde équestre à l’art contemporain, en passant par l’actualité, les voyages, la musique, la danse ou l’histoire de France, les sources d’inspiration sont nombreuses.

Les dessins des carrés Hermès se caractérisent par leur diversité : du plus classique en hommage au monde équestre aux motifs géométriques et abstraits de l’art contemporain.


Pour maintenir son succès et en quête perpétuelle d’innovation, la maison fait appel à des artistes de renom pour imaginer ces dessins. Les foulards Bride de Gala imaginés par Hugo Grygkar, en 1957 sont probablement les carrés les plus célèbres du monde.
Un savoir-faire unique au monde
Le succès du Carré Hermès repose avant tout sur un savoir-faire exceptionnel nécessitant la coopération étroite entre plusieurs corps de métiers. Fabriqué à Lyon, berceau de la soierie française, par une poignée d’artisans qui se transmet ce savoir-faire de génération en génération, il faut compter en moyenne 6 à 18 mois pour la création d’un carré.

Chaque foulard Hermès résulte d’un processus de fabrication unique au monde encore perpétué de nos jours. Tout d’abord, la soie, importée en fils bruts, est plongée dans un bain d’eau douce avant d’être embobinée. La chaîne et la trame du tissu sont ensuite fabriqués. Puis vient le tissage à proprement parler. Enfin, les foulards sont sérigraphiés à la main et leurs ourlets roulés et cousus à la main. Avec en moyenne 27 couleurs présentes sur un foulard la fabrication du carré Hermès relève d’une véritable prouesse technique.

Soigneusement sélectionnée par Hermès, la soie d’une qualité exceptionnelle provient essentiellement du cocon d’un papillon originaire de Chine : le Bombyx du mûrier. Pas moins de 500 km de fil de soie soit la quasi-totalité des oeufs pondus par un ver de soie sont nécessaires pour la fabrication d’un foulard. C’est à ce titre qu’Hermès surnomme ses foulards « papillon ».

Chaque année, environ 12 modèles de foulards sont produits par Hermès. Bien loin du travail à la chaîne, chaque carré est le fruit d’une centaine d’heures de travail l’érigeant ainsi en un bien d’exception.
Le carré Hermès aux enchères
Relativement courants en salle des ventes, les carrés Hermès sont encore aujourd’hui des objets de mode très recherchés.
Accessoire devenu de véritables oeuvres d’art, certains exemplaires s’arrachent à prix d’or et les collectionneurs sont toujours à l’affût des pièces les plus rares.

Inventé il y a plusieurs décennies, le Carré Hermès a traversé le temps sans jamais se démoder. Pièce emblématique de la maison Hermès transmise de génération en génération, plus de 500 millions de foulards ont été vendus dans le monde entier depuis son invention en 1937. Soucieuse de maintenir ce succès, Hermès ne cessera d’innover et c’est ainsi qu’est créé en 2020 le carré « double face » sur lequel il est désormais possible d’imprimer deux motifs différents sur le recto et le verso.